AU FOND DES BARS

 

Richard Bohringer

 

 

 



 

Dans le fond des bars, quand je buvais
Y avait ma colère comme un gros derrière
Y avait la fille au rire déchirant
Qui tanguait dans la lumière des verres à bières
Des juifs inquiets, des nègres en colères
Il y avait celui qui passait et repassait amer
Et puis moi, moi qui comptait les bières.

Dans le fond des bars, quand je buvais
Y avait ton souvenir qui me frôlait
Ou qui me frappait comme un poignard sortie du noir
Y avait mon ventre déchiré sans espoir
Qui s'accrochait au bar
Y avait mes polos, mes frères rêveurs mes fêlures
Y avait leur rire, leur douceur, comme des fleurs

Dans le fond des bars, quand je buvais
Y avait le docteur qui s'était flambé pour une danseuse
Qui n'avait dansé qu'un seul été
Y avait le pervers mendiant qui frappait la nuit avec sa canne blanche
On marchait côte à cote jusqu'au boulevard
Voir les néons, voir ceux qui ne buvait pas
Voir ceux, qui ne nous aimaient pas.

Dans le fond des bars, quand je buvais
Y avait le téléphone qui brillait de toutes ses dents
De la vie d'avant, comme un roi des pauvres, comme un roi d'espoir
Y avait Dédé qui roulait, Y avait un peintre à l'œil crevé
Qui flambait dans la bière, comme le soleil en plein été
Y avait le juke box plein de palmiers
Y avait le chien qui les voyaient bouger
Et moi avec mes 2283 bières

Dans le fond des bars, quand je buvais
Et que je tombais par terre
Y avait polo, le clébard qui faisait la fête sous les palmiers
Et qui voulait danser avec le poivrot au milieu des mégots

Y avait ceux qui venaient nous voir, juste pour voir
Si c'était vrai ce qu'on leur a dit
Que j voulais plus de la vie
Que j voulais plus de la vie
Ah, je vis, ah que je vis
Je vis, je vis je vis je vis je vis


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modifiée le 09 février 2013